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La canne à sucre, ce fabuleux roseau

Canne à sucre en tronçons

La canne à sucre ou Saccharum officinarum figure parmi les espèces cultivées les plus anciennes du monde agricole.
Si les premières descriptions furent de 327 av. J-C, elle aurait été exploitée sur notre planète bleue depuis 1000 ans av. J-C. Depuis la découverte de ce bâton juteux, Arabes, Africains, Américains et Européens n’ont de cesse d’en avoir le monopole.

Plante pourtant capricieuse, la culture de la canne à sucre repose sur différents paramètres : grandes superficies cultivables en zone tropicale et de la main d’œuvre de qualité et en quantité.
Aussi, nombreux trafics commerciaux ont vu leur apparition afin de contourner ces différents blocages, chamboulant ainsi l’identité culturelle de nombreux pays.

La canne à sucre, le roseau des abeilles à la conquête du monde

D’après les récits d’histoire, la canne à sucre aurait été plantée pour la première fois en Asie à Nouvelle-Guinée, durant la Préhistoire.
Par la suite, elle est mentionnée dans l’histoire de la Chine et d’Inde durant l’Antiquité.

Les Européens n’ont pu la découvrir que vers -327 ans par le biais des expéditions d’Alexandre Le Grand durant lesquelles un de ses généraux définissait la canne à sucre comme : “un roseau en Inde qui produit du miel sans le concours des abeilles et à partir duquel est produite une boisson intoxicante, bien que ni les graines, ni les fruits ne soient utilisés”.

Portrait d’Alexandre Le Grand – Œuvre hellénistique en marbre (CC BY 2.0 – Andrew Dunn)

C’est à partir du VIème siècle que la canne à sucre intégra différents pays pour des cultures à grande échelle. Elle commença à s’établir en Perse puis dans tous les territoires occupés par les Arabes vers VIIème siècle pour arriver en Espagne vers le VIIIème siècle.

A sa découverte, la canne à sucre était uniquement exploitée à des fins médicinales. Ce n’est qu’à partir du XIIIème siècle qu’elle a intégré les cultures industrielles. Le sucre raffiné venait remplacer le miel au sein des familles aisées.

Les Croisades ont intégré la canne à sucre dans la culture occidentale par le biais des importateurs italiens.
Des cultures ont été par la suite installées le long de la mer Noire. Alexandrie devint alors le centre des échanges commerciaux avant la distribution des bâtons de canne à sucre dans toute l’Europe.
Des raffineries commencèrent alors à s’installer à Venise et dans d’autres villes d’Italie.

Panela ou pain de sucre (CC-BY-3.0 – Jdvillalobos)

Mais avec la prise de Constantinople par les Turcs en 1453, les échanges commerciaux avec l’Orient ont été interrompus.
Aussi pour faire face à la demande croissante de l’Europe, le Portugal se lance dans la conquête de nouvelles zones culturales.

C’est ainsi que la course à la colonisation a commencé en débutant à Madère et aux îles Canaries. Parallèlement à cela, la culture de canne à sucre commença à s’intensifier au Brésil à partir de 1500.
Comme la culture de canne sucre requiert un grand nombre de main d’œuvre et de grandes superficies, l’esclavage a rapidement pris de l’essor.

L’extension de la zone de culture vers la Guadeloupe en 1654 marque l’intégration d’industrie sucrière esclavagiste dans le système économique français.
En effet, Louis XIV soutenait l’implantation de 900 planteurs hollandais chassés du Brésil dans la région.
Mais c’est sous le règne de Napoléon que le sucre raffiné a commencé à intégrer le monde commercial et devint très vite le premier enjeu du commerce international.

La canne à sucre, la source de l’or brun

Au début de la culture à grande échelle et parallèlement à la production de sucre vers 637, la canne à sucre et le sucre intègrent la « filière Arabe ». Ladite filière regroupe le circuit commercial de bâton de canne noble et de sucre conduit en  Mésopotamie qui correspond globalement à l’Irak, à la Syrie, au Liban, à l’Israël et à l’Egypte, puis en Afrique du Nord et en Andalousie.

Mais les Croisés ont vite intercepté le circuit arabe afin de faire profiter leurs proches européens des bienfaits de la canne à sucre. Aussi, la « filière chrétienne » a vu son apparition vers les XIIème et XIIIème siècle.
Outre le fait de s’approvisionner en matière première et en produit fini, les chrétiens ont intégré la culture de canne à sucre dans les îles méditerranéennes, à Chypre, en Crète, en Sicile et en Espagne.
Pour optimiser le circuit commercial, les raffineries vénitiennes se sont érigées  pour le reste de l’Europe.

En constatant les bénéfices accrus des industries sucrières vénitiennes, le reste de l’Europe s’est de plus en plus intéressé à la filière canne à sucre et le commerce triangulaire fit son apparition courant du XVème siècle. Le commerce triangulaire encore connu sous le nom de Traite Atlantique perdura jusqu’au XIXème siècle.

Cette traite négrière a pour principe d’approvisionner l’Afrique en produits européens en échange d’esclaves et de produits de rente comme le tabac, le café, le cacao et le coton et surtout le sucre.
Les esclaves sont ensuite distribués dans le Nouveau Monde qui est l’Amérique actuellement pour enrichir la cargaison de matières premières d’origine tropicale.

Le Brésil reste à l’heure actuelle le premier producteur de canne à sucre avec une quantité à l’exportation de 28 tonnes (année 2019) suivi de la Thaïlande et de l’Australie et des pays de l’Union Européenne.

Pressoir de canne à sucre
Pressoir artisanal de canne à Malang – Vers 1929-1930 (CC-BY-SA-3.0 – Lamiot)

La canne à sucre et ses diverses espèces

La canne à sucre est une plante graminéenne à port touffu.
Cultivée depuis près de 1000 ans avant Jésus-Christ, elle était connue sous le nom de canne de bouche.

Des hybridations naturelles dans des cultures en Océanie et dans le Sud-Est asiatique lui ont fait gagner en taille et en robustesse et elle a pris le nom de « canne noble », la matière première cultivée en industrie sucrière.
On pourrait donc en déduire facilement que la canne à sucre cultivé jusqu’à l’heure actuelle, n’est pas forcément une variété pure.
Après son introduction à Saint Domingue par Christophe Colomb en 1493, elle prend le nom de « canne créole ».

La canne noble se cultive principalement pour ses entre-nœuds riches en fibres juteuses d’où l’on extrait le sucre.

Tronçons de canne à sucre
Bâtons de canne à sucre (CC0)

Si la canne créole ou canne noble issue de souches en provenance d’Inde se cultive en Méditerranée, en Amérique et au Moyen Orient, la canne O Tahiti ou Saccharum violaceum intégra le paysage du reste du monde.
Cette souche fit la conquête de l’île Maurice et la Réunion à travers Bougainville où elle sera connue sous le nom de canne créole. Elle est encore utilisée actuellement pour l’amélioration génétique de l’espèce-type.

En prenant de plus en plus de place dans le monde commercial et dans la consommation mondiale, les recherches fusent de partout pour améliorer la teneur en sucre et la résistance aux maladies.

C’est ainsi que diverses hybrides aux noms peu communs font leur apparition.
A titre d’exemple, la canne bleue connue sous le code B.69-566 a été créée à la Barbade et très connue aux Antilles françaises.
De l’autre côté, la canne rouge portant le code R.579 proviendrait de la Réunion.

Néanmoins, les recherches incessantes ont développé des cultivars plus ornementaux comme le Saccharum officinarum ‘purpureum’ spécifiquement ornemental à feuillage légèrement pourpré.

La canne noble, une souche de longue date

Appartenant à la famille des Poacées comme le maïs, la citronnelle et les bambous, Saccharum officinarum présente un port touffu composé de tiges rigides de 2 à 3 m.
Des feuilles linaires partent des nœuds et des panicules d’épillets rosâtres recouverts de longs poils soyeux apparaissent à la floraison.

Originaire des régions tropicales, on la cultive forcément sous serre ou en intérieur sous l’Hexagone.
Avec ses feuilles en éventail et retombantes, on lui reconnait un graphisme plaisant avant de savourer le jus qu’offre la tige.
Des températures comprises entre 10°C (la plus basse) et 30°C lui sont favorables.

En conteneur ou en pleine-terre, un emplacement ensoleillé et lumineux est incontournable pour des cultures fructueuses.
La culture de canne à sucre se conduit sur sol profond et humifère de sorte qu’un labour en plein sur 50 cm de profondeur minimum précède la mise en place.

  • Pour les cultures en pot, utiliser du terreau et de la terre de jardin.

Pour le bon développement de la plante, pour faciliter la récolte et pour faciliter le désherbage, les plants respectent un espacement de 70 cm minimum en culture à grande échelle.

Espèce gourmande en eau et en éléments nutritifs, la canne à sucre requiert un arrosage régulier qui se fait par des canaux d’irrigation pour les cultures à grande échelle.
la fertilisation, une fumure de fond semble la plus appropriée suivie d’un apport en NPK en période de croissance jusqu’à la floraison.
Une période de sécheresse marquée active la maturation durant laquelle les fibres gagnent en saturation en sucre.

Cahmp de canne à sucre
Pulvérisation de champ de canne à sucre

De multiplication délicate, le semis reste le privilège des chercheurs et le bouturage et la division des rhizomes sont les plus pratiqués. Ces deux types de multiplication se conduisent après la récolte et restent accessibles à tout type d’agriculteur.

  • Pour le bouturage du Saccharum officinarum, découper une bouture à un nœud qu’on met directement en place sur un substrat humifère.
  • Pour la division de rhizome du Saccharum officinarum, découper les rhizomes sur 5 à 7 cm de long et mettre en pot ou en pleine-terre.
Bouturage de canne à sucre, bouturer la canne à sucre
Production de boutures de canne à sucre en Inde (CC0)

La récolte se fait entre 10 à 16 mois suivant les conditions de culture. Elle s’étale sur près de 3 mois. Comme le taux de sucre tend à baisser à la floraison, la récolte se conduit de fait, avant l’apparition de l’inflorescence.

A grande échelle, la plantation de canne à sucre abrite de nombreux animaux venimeux comme les serpents.
Les champs de culture ainsi brûlés pour les faire faire afin de sécuriser les agriculteurs.
Si la coupe manuelle est la plus courante, la récolte mécanisée est maintenue rendue possible avec les avancées technologiques.
Si la récolte mécanisée permet de gagner en coût de mains d’œuvre et en temps, les tiges récoltées sont moins robustes que celles récoltées à la main. Inversement, la récolte mécanisée permet de gagner en biomasse si le feu pratiqué avant les coupes manuelles la réduit.

Récolte canne à sucre, Cannes à sucre
Coupe manuelle de canne à sucre

En effet, les tiges coupées à un nœud du sol sont débarrassées du feuillage et de leur partie supérieure, ces derniers étant laissés aux champs pour servir de fertilisants.

Les tiges empilées sont transportées rapidement aux usines de transformation avant qu’elles ne perdent de leur saveur et qu’elles ne dessèchent.

Une fois bien installée, la plantation de canne à sucre reste productive dispose d’une durabilité de 5 à 10 ans.

Durant la culture, il faut cependant veiller à l’infestation aux maladies fongiques, virales et bactériennes.
Facilement transmises par les boutures, un traitement d’appoint est conseillé dès l’apparition des premiers signes d’infestation.

Par ailleurs, divers insectes suceurs trouvent aussi leur plaisir dans la canne à sucre. De l’autre côté, si les vers blancs et autres nématodes s’attaquent aux racines de la canne noble, les chenilles ont une préférence aux feuilles.

La canne à sucre, une plante à zéro déchet

La canne à sucre figure parmi les plantes dont toutes les parties sont exploitables : tiges, feuilles et fleurs.
Il n’en reste pas moins des produits dérivés industriels. De la mélasse à la bagasse, ces produits s’utilisent dans le domaine de la construction, de l’élevage ou encore dans la papeterie.
Et même en plantation, la canne à sucre améliore la structure du sol.

Le sucre à base de canne à sucre

A son origine, la canne à sucre se consommait à l’état brut pour le jus de ses fibres.
C’est vers le VIème siècle que le la production de sucre brun a fait son apparition. Avec le réajustement des techniques de cristallisation, le sucre raffiné ou « sucre blanc » intégra le marché.
Longtemps considéré comme produit pharmaceutique, ce n’est sous le règne de Napoléon que le sucre fut vendu en épicerie.

Sucre issu de canne à sucre
Le sucre, sous diverses couleurs suivant le niveau de cristallisation

Le jus de canne ou vesou obtenu par broyage des tiges passe par des cuves d’évaporation pour donner le sirop de canne.
Le sirop est par la suite clarifié pour donner de la cassonade, le sucre roux cristallisé brut.
La cassonade peut être directement mis le marché sous formes de pain de sucre ou clarifié en raffinerie pour donner le sucre blanc.

Un rhum de différentes origines

Parallèlement à la production de sucre, un « breuvage de gaieté » a été découvert après fermentation, distillation et vieillissement du jus de canne frais ou de la mélasse.
Lors de sa découverte en XIVème siècle, le rhum constituait un breuvage de récompense pour les esclaves après les durs labeurs en industrie sucrière.

Ce n’est qu’à partir du XVème siècle par l’installation de la rhumerie de l’île de a Barbade en 1688 que le rhum intègre le système commercial.
Attirés par cette nouvelle découverte, nombreux sont les pays européens qui se sont lancés dans la production, d’où la naissance du Rum en régions britannique et le Ron d’origine espagnole.

De la mélasse à usages multiples

  • Outre son utilisation dans la production de rhum, la mélasse entre aussi dans la composition des tourteaux pour l’alimentation porcine.
  • En agriculture, on utilise la mélasse en amendement des champs de canne à sucre.
    Elle s’utilise comme tout type d’engrais liquide.
  • En construction, la mélasse s’ajoute au ciment Portland afin de ralentir la solidification de ce dernier.
    Le procédé tend à avoir des couches bien compactes et bien adhérentes.  

De la bagasse comme combustible

La bagasse fait référence aux résidus fibreux à l’issu du broyage des tiges de canne à sucre.

  • Le broyage de canne à sucre se fait par des gros cylindres. Comme les fibres sont tout simplement aplaties et non réduites à de fines particules, on parlerait plutôt d’écrasement.

Dans différentes industries sucrières, la bagasse est réutilisée pour servir de combustible pour alimenter les différentes chaudières de cristallisation et de décantation.

déchets de canne à sucre, bagasse de canne à sucre
Bagasse prête à l’emploi (CC0 1.0 – Anna Frodesiak)
  • En élevage, la bagasse constitue une bonne litière pour les ruminants.
    Elle peut servir de fourrage tout comme les feuilles de canne à sucre.
  • En papeterie, la bagasse conservée humide entre dans la fabrication de papier.
    Il convient néanmoins de la nettoyer des résidus de canne noble et de la moelle de surface avant toute utilisation.
  • Le monde de la construction utilise la bagasse de canne à sucre dans la production de panneaux de particules.

La canne à sucre, l’espèce adaptée aux bassins versants

A système racinaire profond, les plantations de canne à sucre contribuent à une bonne stabilisation du sol face aux risques d’érosion.
Elles sont idéales sur bassins versants de sorte à valoriser ces espaces parfois difficiles d’accès et pourtant productif.

Cette pratique culturale permet d’éviter la concurrence d’implémentation avec les autres cultures.
En effet, les champs de canne requièrent de grande superficie et appauvrissent le sol.

De plus, la canne à sucre améliore la texture du sol lui conférant ainsi une bonne aération. Par ailleurs, le feuillage inutilisable en usine sert de paillis et de fertilisants naturels aux prochaines cultures.

2 réactions sur “La canne à sucre, ce fabuleux roseau

  1. Bertile Marie dit :

    Bonjour, votre article sur la canne à sucre est excellent. Félicitations.

    1. Merci du compliment ! N’hésitez pas à le partager 🙂

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